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Villages d’Arabie Heureuse
  • villages darabie heureuse copie
  • De grands yeux noirs. Des yeux immenses entourés de khôl. Trois points tatoués sur le menton, cinq autres entre les sourcils, des cheveux noirs drapés dans un tissu rouge écarlate. Le rouge et le noir dans le regard de cette adolescente yéménite saisie par l'ambigüité et le mystère. Un regard du Levant et du lointain.
    Le Yémen fascine. Il est l'autre face du miroir : une terre rêvée, habitée d'images et des couleurs vives. Des maisons - jamais identiques - sont incrustées dans la roche. Des fenêtres sont encadrées de chaux blanche. L'herbe est verte, très verte. A Djebel-Raymah on surprend la fumée suspendue au petit matin. Les hommes et les femmes travaillent, dont des cultures en terrasse, batte,t l'orge, récupèrent la paille. Les souks de Taez sont encombrés d'ustensiles en aluminium : des objet sans grande valeur, des valises peintes importées du Pakistan, des tissus synthétiques fabriqués en Asie du Sud-est...
    Dans ce pays, on vend encore des poignards... Ils sont ordinaires. Les plus beaux sont en corne de girafe. Dans ce pays on porte encore le fusil.
    Le Yémen du Nord intrique et perturbe : tant de mystère en un espace de simplicité. Les maisons sont hautes dans la fantaisie; elles sont dessinées par la paresse du temps, elles sont les traces d'une durée intérieure, celle d'une culture qui échappe pour l'instant à la dictature de l'uniformité.
    La vie est saisie par un œil étonné, curieux et pudique. Il a fallu la sensibilité de Pascal Maréchaux, jeune architecte, pour rapporter les images d'une terre élue su songe, nommée "Arabie Heureuse". A regarder longuement ces photographies, on fini par écouter le silence de ces espaces qui appartiennent à l'irréel.
    Tahar Ben Jelloun. Le Monde. 11 décembre 1979.

    Le vrai dépaysement cela existe encore, comme il existe des pays sans clubs des vacances. Seul le "voyageur", celui qui marche seul et qui cherche pourra les découvrir. Ainsi Pascal Maréchaux nous offre les images dont il s'est imprégné en traversant "l'Arabie heureuse", autrement dit le Yémen du Nord. Son objectif a voulu retenir les impressions intenses d'un moment, d'un regard, d'un décor de ces univers parallèles qui nous entourent.
    Paysage d'une planète inconnue, architecture qui se moque du fil à plomb et joue à apprivoiser l'espace, à se fondre à la nature dans l'équilibre d'un splendide "laisser-aller". Regards intériorisés des vieillards, des enfants si beaux, aux yeux graves cernés de khôl. On sent bien à travers ses photo que l'on est ailleurs. Étrangetés des foules et des accoutrements : l'Orient se moque du "bon goût", il vit, il se veut calme et grouillant, dans l'intensité de ses murs blancs, le clinquant de ses bijoux, l'agressivité de ses couleurs. En quelques cours petits textes, Pascal Maréchaux nous aide à replacer ses images dans leur cadre, à en ressentir l'odeur, le rythme, à décrypter l'éclat fugitif des regards.
    Alain Buhler. Figaro Dimanche. 30 septembre 1979.

    Villages d’Arabie Heureuse